Regardez par-dessus la clôture !

Par le délégué à la presse, Hajj Mohamed Bendamia   en France

Quiconque observe la détérioration de la situation arabe, qui n’a absolument pas apporté de soutien aux victimes de l’agression israélienne, rejette la faute sur les régimes arabes. C’est d’abord et avant tout celui qui détient la décision d’intervenir, et il possède également les moyens de le faire, y compris la puissance militaire et économique et un large réseau de relations internationales, en plus de ses relations privilégiées avec les États-Unis d’Amérique, principal sponsor et soutien d’Israël.
Alors pourquoi ces régimes ne prennent-ils pas de mesures efficaces ? La raison est-elle uniquement la nature de ces régimes, ou est-ce la peur de voir la guerre se propager dans leurs foyers ?
Israël, pour sa part, ne prête aucune attention à ces régimes et ne se soucie pas de leurs problèmes internes. Il attaque le Liban, occupe de nouvelles parties de la Syrie et modifie la nature de l’accord avec l’Égypte en érigeant de nouvelles barrières terrestres, annulant ainsi une partie importante des accords de Camp David.
Israël n’a pas offert aux pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec lui, à l’Est comme à l’Ouest, de gains significatifs qui permettraient de faire taire leurs peuples opprimés.
Ces politiques auraient pu être comprises si les pays en voie de normalisation avaient pu forcer Israël à ouvrir les points de passage à l’aide humanitaire et à permettre à l’eau, à la nourriture et aux médicaments d’atteindre la population assiégée et affamée. Nous aurions pu accepter un rapprochement avec Israël, l’État occupant de la Palestine, si ce rapprochement avait mis fin à la guerre d’extermination. Mais malheureusement, c’est le contraire qui se produit ; La guerre s’intensifie, tandis que la normalisation, les relations amicales, les échanges commerciaux et les relations politiques se poursuivent, comme si les peuples assiégés vivaient sur une autre planète, sans aucun lien commun avec les peuples de ces pays.
On aurait aussi pu considérer ces politiques comme un outil utilisé par les pays normalisateurs pour défendre leurs intérêts, s’ils avaient retiré leurs ambassadeurs de Tel-Aviv, expulsé les ambassadeurs israéliens de leurs capitales, ou même obtenu le soutien américain pour la création d’un État palestinien. Mais rien de tout cela ne s’est produit.
Quant aux autres pays arabes, ils n’ont pas fait grand-chose pour mettre fin aux massacres quotidiens et à la famine.
Personne n’a jamais utilisé le pétrole ou le gaz comme arme de pression sur l’Europe et l’Amérique, ni au Levant ni au Maghreb.
Les frontières et la souveraineté sont le titre de l’échec arabe. Nous n’avons pas vraiment de frontières pour nous protéger de notre ennemi, ni la souveraineté pour faire ce que nous voulons pour la prospérité de nos peuples.
L’isolement des régimes arabes de leur population, confinée à l’intérieur de leurs frontières, s’est traduit par une absence de soutien populaire arabe au peuple de Gaza. Les manifestations sont restées timides, avec peu de poids. Nous n’avons pas vu dans les capitales arabes ces foules rugissantes qui parcouraient les rues de Londres ou de Washington.
Ce qui est encore pire, c’est que même le mouvement d’opposition arabe soutient pratiquement le concept d’établissement de frontières et de souveraineté, et se contente d’agir à l’intérieur de celles-ci. Ces frontières tracées par le colonialisme sont devenues un carcan intellectuel, et nous pouvons difficilement trouver quelqu’un parmi les partis politiques ou les intellectuels qui puisse voir au-delà de son propre nez ou des frontières de son pays. La réalité prouve que tout régime arabe, même élu et fondé sur la volonté populaire, ne sera pas en mesure de faire quoi que ce soit par lui-même, car Israël, l’Amérique et l’Occident attendent tous de l’affronter.

Nous ne pourrons pas soutenir le peuple palestinien, ni aucun peuple arabe, si nous ne mettons pas toutes nos énergies au service de cet objectif. De nombreux pays se sont unis pour devenir plus forts, comme dans l’Union européenne.

Est-il concevable d’imaginer un gouvernement élu au Liban capable de défendre son territoire avec une armée nécessaire pour garantir que le sud soit libre de toute menace pour Israël ? Le nouvel État syrien, issu de la révolution, sera-t-il capable de relever seul les défis ?
Travailler dans le cadre des règles établies par le colonialisme il y a un siècle ne peut pas être le point de départ d’un véritable changement qui profite aux peuples arabes.
Nous ne pourrons pas soutenir le peuple palestinien, ni aucun peuple arabe, si nous ne mettons pas toutes nos énergies au service de cet objectif. De nombreux pays se sont unis pour devenir plus forts, comme dans l’Union européenne, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est.
Si nous voulons sortir de nos crises récurrentes depuis plus d’un siècle, nous devons unir les forces du changement à travers le monde arabe. Dans ce cas, la guerre de Gaza pourrait être bénéfique, car elle donne aux citoyens arabes un nouveau sentiment de vulnérabilité et une conscience croissante que les frontières de leurs pays, leurs armées et leurs régimes ne les protégeront pas de la brutalité israélo-américaine-occidentale. Ces frontières sont plutôt devenues sa première menace, plutôt qu’une protection.
Ici, la Palestine redevient, comme elle l’était, un symbole de cette nouvelle tendance, et se rallier à elle est un moyen de salut.
La nature des régimes actuels ne constitue pas un obstacle insurmontable. Nous espérions plutôt que ces régimes se rendraient compte que réprimer et persécuter leurs peuples ne ferait que les conduire à une plus grande dépendance envers Israël et l’Amérique, qui considèrent cela comme une faiblesse structurelle qu’ils exploitent pour renforcer leur emprise sur nos pays, nos peuples et nos gouvernements.
Nous espérions que les gouvernements arabes s’ouvriraient à leurs peuples afin de préserver leur propre existence. L’Occident colonial ne représente pas une garantie permanente ; au contraire, elle les change quand elle veut et pille leurs richesses à sa guise. Les déclarations de Trump sur les « milliers de milliards » d’investissements du Golfe en Amérique sont révélatrices du manque de véritable souveraineté de ces régimes, même dans la gestion de leurs budgets et de leurs revenus tirés des ressources.
L’ouverture aux peuples ne peut être obtenue qu’en ouvrant les frontières à la circulation des citoyens, des biens et des capitaux, en garantissant la liberté d’investissement et de voyage, en construisant une infrastructure partagée, y compris des routes et des chemins de fer, en établissant des politiques unifiées en matière d’eau, d’environnement et d’éducation, et en développant des politiques étrangères fondées sur des intérêts mutuels. Tout cela est possible si les régimes comprennent qu’il s’agit de leur bouée de sauvetage et que l’autoritarisme n’est plus le meilleur moyen de survie.
Dans une période aussi instable, il n’y a plus d’alliances permanentes, ni d’inimitiés éternelles. L’Amérique n’est plus l’Amérique de Roosevelt ou de Kennedy, mais plutôt un État voyou, indigne de confiance même de ses alliés les plus proches. Même les Israéliens remettent aujourd’hui en question leur alliance avec l’administration américaine.
Les régimes normalisateurs, ceux qui sont sur le chemin de la normalisation, ou ceux qui ne sont restés ni dans la caravane ni dans la trompette, se réveilleront-ils et commenceront-ils le voyage de reconquête de la conscience ? Ou bien cette nation est-elle vouée à la destruction et à la guerre ?
L’histoire des peuples de la Terre nous montre que les systèmes politiques fossilisés, malgré leur force, restent fragiles et facilement détruits. Seuls les systèmes flexibles sont capables de s’adapter.
Mais malheureusement, les politiques des régimes arabes actuels tendent vers une évasion constante, davantage de répression et davantage de dépendance.
Cette approche ne signifie pas un retour au nationalisme arabe à l’ancienne, mais plutôt une évolution vers un nouveau pragmatisme visant à rassembler la force nécessaire pour affronter des superpuissances dont l’armement et la violence sont sans précédent dans l’histoire. Exploiter la richesse du monde arabe est une nécessité absolue pour faire face aux défis, et non un fantasme ou une illusion.
Sans cela, nous comprenons tous que nos pays, chacun individuellement, aussi forts et déterminés soient-ils, ne seront pas en mesure de protéger leurs frontières, leur population ou de parvenir à la prospérité.
La guerre de Gaza, malgré ses tragédies, nous ouvre les yeux, du Golfe à l’Atlantique, sur cette vérité.

écrivain palestinien

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